A l'occasion de la sortie de Scenarii, JdR Editions vous propose un concours de compte-rendu de partie de jeu de rôle médiéval-fantastique pour gagner un exemplaire du livre aux 52 scénarios. Le texte proposé ci-dessous sert d'exemple mais les participants doivent se sentir libres dans leur style.
Deux malédictions
Partie de Warhammer© le 5 mai 2011
Sur les chemins de l’Empire s’étire la longue file de chariots sortis de la forteresse du nord le mois précédent.
Après l’attente insoutenable du siège, le fracas des escarmouches et la terrible bataille ayant opposé les Dieux, la grande forêt est un havre de paix. Les quelques brigands qui y rôdent encore, ceux qui n’ont rencontré ni l’armée, ni les nombreux templiers attirés par l’odeur du sang, ni les monstruosités qui ont ravagé le nord du territoire, hésitent à frapper les convois qui hébergent un grand nombre de guerriers.
Dans la poussière de la route, à la chaleur des feux de camp, dans la brume des gardes de nuit, les langues se délient, la confiance éclot, les amitiés se nouent. C’est au sein d’un de ces convois que se retrouvent nos personnages. A la croisée des chemins, une partie retourne vers leur village natal, les autres y sont invités.
L’accueil dans la région est des plus frais : Des malfrats profitent de l’absence des hommes valides pour incendier les lieux de culte. Tout voyageur est suspect aux yeux des gens simples qui sont restés en arrière, qui pour prendre soin de sa terre, qui pour veiller un aïeul, ou tout simplement par peur de l’aventure. Une secte réfractaire se serait-elle installée à proximité ? Une phalange chaotique traînerait-elle sous les arbres centenaires de la Grande Forêt ? Peu probable : les attaquent visent des lieux abandonnés ou oubliés, sans discernement, sans lien avec les dieux auxquels ils étaient voués. Le futur temple de Shallya, abrité sous la carapace de tortue du village serait-il menacé ? Une chose est sûre : deux frêles adolescents ne seront pas de taille à repousser une troupe déterminée. A l’arrivée dans le petit village, c’est la consternation : le temple est propre et sauf, mais Merrick et Brand ont disparu. Aucune trace ne permet de comprendre leur absence. Pour rassurer le fils du comte, seigneur des lieux, les villageois et les parents, nous nous chargeons de l’enquête, dont les fils semblent croiser ceux des incendies. Parfait hasard, coïncidences fortuites ? Penché sur la carte de son domaine, Messire Martdorf s’inquiète. Mais nos regards acérés percent le premier mystère : les temples n’ont pas été incendiés au hasard : ils suivent une progression logique et géographique. Notre curiosité aidant, nous nous rendons à ce que nous croyons être le prochain lieu victime : l'abbaye de Sigmar, ruines isolées au sommet d’une colline, battues par les vents et protégées de buissons impénétrables. Nous y découvrons des mal-aimés, exclus de la société des hommes, infirmes et malades mentaux réfugiés parmi les fantômes du passé. Un autre spectre surveille les lieux, qui, découvert, enflamme les esprits, les corps et les vieilles pierres d’une flèche à la précision acérée. Poursuivi, il échappe à deux guerriers, laissant à son puissant destrier le soin de lui frayer un chemin dans le sous-bois. Les témoins parlent d’un caparaçon semé de lys verts et blancs. Nos connaissances limitées en héraldique pointent toutefois vers un ordre bretonnien à la fois connu et mystérieux : les Chevaliers de Sinople, puissants templiers dédiés à la justice. Pourquoi donc s’est-il attaqué à un lieu sacré ? Les informations arrachées pesamment aux malheureux sauvés des ruines n’apportent aucune réponse. Nous piétinons jusqu’au manoir de Monseigneur Martdorf, toujours penché sur sa carte. La ligne noire des temples détruits a grandi durant la nuit. Et si elle se poursuivait au-delà des limites du domaine, jusqu’au comté voisin ? Les caveaux dédiés à Mórr, qui ne sont plus usités, forment une cible parfaite. Nous tentons le tout pour le tout et, après un rapide repos, nous nous rendons sur place, accompagnés par l’une des rescapés de notre défaite nocturne.
L’entrée des caveaux est obscurcie par des décennies d’abandon et de végétation grassement nourrie. Une soudaine intuition nous fait appeler à la cantonade. Une voix juvénile et déformée par l’écho nous répond. Nos deux disparus sont là , perdus dans le sépulcre souterrain et labyrinthique. Nous pénétrons le royaume des morts l’arme à la main, marquant notre progression tâtonnante de la pointe d’une lame.
Après bien des détours, réfugié au plus profond de la nécropole, Merrick nous apparaît, adossé à une porte monumentale au travers de laquelle on devine le jour. Il est là depuis des nuits, lié au cadavre entamé de Brand, coincé entre cette porte à la serrure indéchiffrable et le monstre qui rôde dehors, celui qui a décapité son compagnon. Le malheureux commence à compter son aventure lorsqu’un regard le paralyse. La jeune femme qui nous accompagne, placide et soumise, semble le terrifier. Sentant le faible vent arrivant jusque là tourner, elle dévoile sa vraie nature. Après quelques attaques, elle prend ses jambes de loup-garou à son cou et s’enfuit, poursuivie par les pieds agiles de notre guerrier. Le reste du groupe délivre le jeune traumatisé et commence à attaquer la porte, le cerveau en ébullition planchant déjà sur la seconde partie de l’énigme, la première ayant été avalée d’une bouchée.
Un cri attire notre attention : le Chevalier de Sinople est à l’entrée du caveau, prêt à mener à bien sa mission et à enflammer les lieux, sans se préoccuper du respect dû aux morts. Coincés entre trois feux, nous n’avons d’autre possibilité que de résoudre l’énigme, la porte, dangereusement piégée, ne peut s’ouvrir sans la combinaison adéquate. La peur donnant des ailes à nos méninges, l’ouverture ne tarde pas. Nous nous retrouvons à l’air pur et refermons la porte sur la monstrueuse créature qui revient vers nous. Un va et vient s’instaure entre les deux issues du piège où elle est enfermée.
Celle-ci choisit d’affronter le templier aidé de deux des nôtres protégeant Merrick. Les renforts arrivent trop tard, la magie druidique a fait son office et la paix et le soleil couchant retombent sur la clairière et les corps du loup-garou et de Merrick.
Le nouveau temple de Shallya a perdu un peu de son âme et toute sa main d’œuvre.
Et les deux malédictions, me demanderez-vous ?
la première est évidemment la lycanthropie de cette malheureuse.
La décence interdit au conteur de parler de la seconde.